Vers un vaccin universel contre la grippe

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Le virus de la grippe, également connu sous le nom d’influenza, est responsable d’infections respiratoires chez l’homme et entraîne chaque année la mort de plus de 250 000 personnes lors des épidémies saisonnières, avec un coût économique estimé à plusieurs milliards d’euros. Les pandémies de grippe, qui surviennent tous les 10 à 50 ans, ont également eu un impact dévastateur. Au cours du siècle dernier, des pandémies telles que la grippe espagnole (virus H1N1) de 1918 et les pandémies de 1957 (H2N2), 1968 (H3N2) et 2009 (H1N1) ont causé entre 50 et 100 millions de décès dans le monde.

La difficulté de développer un vaccin universel en raison de la diversité génétique des virus de la grippe

La grippe est causée par des virus de la famille des Orthomyxoviridae, qui sont classés en trois types : A, B et C. Les virus de type A sont responsables des pandémies, tandis que les types A et B sont impliqués dans les épidémies saisonnières. Les virus de type C ne provoquent généralement qu’une infection modérée et ne sont pas associés à des épidémies. Le développement de stratégies thérapeutiques pour lutter contre les virus de la grippe A et B constitue donc un défi majeur.

L’un des principaux obstacles à la création d’un vaccin universel contre la grippe est la capacité du virus à modifier ses glycoprotéines de surface, appelées hémagglutinine (HA) et neuraminidase (NA), ce qui lui permet d’échapper au système immunitaire de l’hôte. Cette diversification génétique est également observée chez d’autres virus, tels que le VIH et le virus de l’hépatite B. Cependant, malgré cette hypervariabilité, des contraintes fonctionnelles peuvent limiter la variabilité du virus au niveau de régions clés. Ces régions, essentielles à l’infection des cellules hôtes, représentent des cibles potentielles pour les anticorps neutralisants.

Les avancées récentes dans la recherche d’un vaccin universel contre la grippe

Au cours de la dernière décennie, des efforts considérables ont été déployés pour identifier et caractériser des anticorps monoclonaux capables de neutraliser différents sous-types du virus de la grippe A, appelés anticorps à large spectre de neutralisation (bnAb, broadly neutralizing antibodies). Des travaux récents, réalisés en collaboration entre le laboratoire Wilson de l’Institut de recherche Scripps, le Crucell Vaccine Institute et l’Université de Hong Kong, ont permis d’identifier plusieurs anticorps capables de neutraliser les virus de la grippe B. Parmi eux, l’anticorps CR9114 est capable de neutraliser à la fois les virus de la grippe A et B. L’isolement et la caractérisation structurale de ces anticorps, en association avec l’hémagglutinine, ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement d’un vaccin universel et de nouveaux antiviraux pour le traitement de la grippe.

 

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Le rôle clé de l’hémagglutinine comme cible des anticorps neutralisants

Les virus de la grippe A sont divisés en sous-types en fonction de leurs hémagglutinines (HA) et neuraminidases (NA), désignés respectivement par les notations HxNx. Les HA sont classés en deux groupes principaux, comprenant un total de 17 HA différentes. Les virus de la grippe B ne sont pas divisés en sous-types, mais leur évolution est caractérisée par la coexistence de deux lignées distinctes ayant des caractéristiques génétiques et antigéniques différentes. L’hémagglutinine, une glycoprotéine de surface du virus de la grippe, joue un rôle essentiel dans l’attachement du virus aux cellules hôtes et dans la fusion des membranes virales et cellulaires lors de l’infection. L’hémagglutinine est la principale cible des anticorps et constitue donc un élément clé pour le développement d’un vaccin contre la grippe. Actuellement, les vaccins saisonniers sont composés de souches dominantes des sous-types H1 et H3 du virus de la grippe A, ainsi que de la souche dominante du virus de la grippe B en circulation, permettant une protection contre les épidémies saisonnières. Cependant, en raison de la mutation constante des virus en circulation (drift antigénique), les vaccins doivent être mis à jour chaque année. En cas de pandémie, le développement d’un vaccin spécifique peut prendre plusieurs mois à partir de l’émergence du virus. Par conséquent, des stratégies de prévention et de traitement visant à couvrir un large spectre de souches de virus constituent un véritable défi.

Des anticorps neutralisants pour combattre les virus grippaux

Différentes équipes de recherche, dont celle mentionnée dans cet article, ont récemment identifié des anticorps monoclonaux capables de neutraliser différents sous-types des virus influenza A et B. Jusqu’à présent, moins d’attention avait été portée aux virus de la grippe B, probablement parce qu’ils ne sont pas transmis par les oiseaux aquatiques, qui sont les principaux réservoirs des pandémies. Cependant, les virus de la grippe B sont responsables d’épidémies saisonnières tous les 2 à 4 ans et causent plus de décès que les virus de la grippe A saisonniers.

L’équipe de recherche a construit une banque d’anticorps à partir de lymphocytes B de donneurs récemment vaccinés afin d’identifier des anticorps monoclonaux capables de neutraliser les virus de la grippe B. Deux immunoglobulines, CR8033 et CR8071, ont été identifiées pour leur capacité à reconnaître les hémagglutinines des deux lignées du virus de la grippe B, et un autre anticorps, CR9114, a été trouvé pour neutraliser l’ensemble des hémagglutinines des virus influenza A et B testés.

Le potentiel thérapeutique des anticorps neutralisants

Des études structurales ont permis de caractériser les épitopes reconnus par les anticorps CR8033 et CR8071, qui ciblent des régions conservées de l’hémagglutinine. L’anticorps CR8033 se lie au site de liaison aux récepteurs, tandis que CR8071 reconnaît un épitope à la base de la tête globulaire de l’hémagglutinine. Ces anticorps ont démontré leur efficacité protectrice chez des souris en empêchant la propagation des virus de la grippe B.

L’anticorps CR9114, quant à lui, cible une région conservée de l’hémagglutinine, appelée stem1, qui est similaire à celle reconnue par d’autres anticorps à large spectre identifiés précédemment. Des études in vitro ont révélé que CR9114 neutralise les virus de la grippe A en bloquant le changement conformationnel de l’hémagglutinine nécessaire à l’infection des cellules hôtes. De plus, CR9114 a conféré une protection à des souris exposées à des souches de virus influenza A et B différentes.

Conclusion

Les découvertes récentes concernant les anticorps neutralisants contre les virus de la grippe B et A offrent de nouvelles perspectives pour le développement d’un vaccin universel contre la grippe. Les caractéristiques structurales de ces anticorps permettent d’identifier des épitopes conservés et d’envisager des stratégies thérapeutiques innovantes pour combattre les virus grippaux. Bien que des défis subsistent, la recherche continue dans ce domaine laisse entrevoir la possibilité de mettre au point des vaccins plus efficaces et d’autres approches thérapeutiques pour prévenir et traiter la grippe de manière plus large.