Le jeûne

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Cela fait maintenant quelques années que le jêune est revenu à la mode avec un engouement de plus en plus marqué…. Jeûne vient du latin « jejunium », qui signifie « neutre ». Connu depuis des millénaires, il était déjà pratiqué par Hippocrate, Avicenne ou encore Paracelse. La pratique médicale du jeûne est de nouveau réapparue aux États-Unis au 19ème siècle, puis mis sur le devant de la scène récemment comme pratique complémentaire, mais hors cadre médicalisé. En effet, en France, le jeûne à but préventif ou thérapeutique, n’est pas encadré dans des structures médicalisées. Il est par contre fait dans des pays voisins, comme en Allemagne par exemple. Doté d’une double dimension, physique et spirituelle, le jeûne est pratiqué dans les religions comme technique de purification depuis longtemps. Actuellement, il peut être réalisé à but préventif ou thérapeutique (contre certaines maladies ou pour perdre du poids).

Alors qu’est-ce-que le jeûne, quels types de jeûne existe-t-il et lequel choisir, quand jeûner, quels sont les bienfaits du jeûne, y a-t-il des contre-indications…? Nous allons répondre à toutes ces questions.

Le jeûne, qu’est-ce que c’est?

Définition

Le jeûne se définit comme la privation, partielle ou totale, imposée ou non, de l’alimentation pendant un temps donné.

Les différents types de jeûne

On distingue:

  • Le jeûne total ou complet: on ne boit que de l’eau ou tisane non sucrée (jeûne hydrique)
  • Le jeûne partiel: il y a un apport calorique minimum sous forme hydrique, comme par exemple dans la méthode Buchinger, avec des bouillons matin et soir apportant environ 200 Kcal par jour
  • Le jeûne continu: c’est-à-dire permanent, non coupé par des périodes alimentaires « normales ». Il peut être court (jeûne court) ou prolongé (au-delà de 5 jours)
  • Le jeûne intermittent: il associe sur le nycthémère une prise alimentaire normale (pendant la journée) et une période de jeûne. Il existe différentes répartitions possibles pour ces jeûnes intermittents:
  1. Intermittent Energy Restriction (IER): la restriction énergétique intermittente consiste à jeûner un jour sur deux. Cette méthode est également appelé  « Alternate Day Fasting » (ADF)
  2. Alternate Day Modified Fasting: il consiste à jeûner un ou deux jours dans la semaine (régime 5/2 ou 5/1)
  3. Time Restricted Feeding (TRF): cette alimentation en temps restreint est composée de deux périodes: une période avec alimentation normale suivie d’une période de jeûne plus longue. 3 schémas classiques sont utilisés: le 8H/16H (fenêtre alimentaire de 8 heures suivie de 16 heures de jeûne), le 6H/18H et enfin le 4H/20H.

On distingue également:

  • Le jeûne religieux (Ramadan, Carême, Achoura, Yom Kippour…)
  • Le jeûne thérapeutique

Il existe de nombreux modes de jeûne, plus ou moins restrictifs, qui peuvent parfois être associés à des exercices physiques modérés (comme de la marche), à de la prière ou de la méditation.

Le jeûne peut parfois être apparenté pour certaines personnes à une diète ou une détox.

Effets physiologiques et symptomatiques du jeûne

Au niveau physiologique

Alors que se passe-t-il exactement lorsque l’on jeûne au niveau physiologique?

  1. Lorsque vous n’apportez plus aucunes calories à votre corps, il va aller puiser dans ses réserves pour pouvoir apporter le glucose (ou sucre) nécessaire à vos organes pour fonctionner. Ces réserves sont essentiellement dans le glycogène, qui va donc être métabolisé par votre corps principalement au niveau du foie (glycogénolyse).
  2. Vos réserves en glycogène vont progressivement s’appauvrir lorsque le jeûne va se prolonger. Votre corps va donc aller puiser dans une autre réserve: la graisse (adipocytes). La lipolyse des triglycérides (ou combustion des graisses) va entraîner la libération d’acides gras, qui seront utilisés comme substrats énergétiques par certains tissus, comme les muscles ou le coeur.
  3. Lorsque vos réserves en glycogène sont à sec, votre corps va fabriquer du glucose à partir des acides aminés, compte-tenu dans les protéines notamment musculaires (d’où la fonte musculaire pendant ces périodes de jeûne): c’est la néoglucogénèse. C’est entre autre pour limiter cette fonte musculaire que certaines personnes pratiquent de la marche modérée pendant le jeûne pour entretenir les muscles.
  4. Puis s’en suit une période d’adaptation de votre corps, afin d’éviter cet hypercatabolisme musculaire et donc une fonte trop importante de vos muscles. Lors du jeûne prolongé, des corps cétoniques vont être fabriqués à partir des acides gras au niveau du foie (cétogénèse) et ils seront utilisés comme substrats énergétiques, notamment par le cerveau.

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Au niveau symptomatique

De nombreux symptômes peuvent apparaître lors d’un jeûne. Certains d’entre eux sont réellement liés à la privation alimentaire. Pour d’autres symptômes, il est parfois difficile de savoir s’ils sont liés au jeûne en lui-même ou aux problématiques médicales présentes antérieurement. Une étude réalisée en 2018 a répertorié les effets secondaires lors d’un jeûne hydrique. Les effets indésirables ont été classés en cinq grades en fonction de leur gravité:

  • Grade 1: effets indésirables légers
  • Grade 2: effets indésirables modérés
  • Grade 3: effets indésirables sévères
  • Grade 4: mise en jeu du pronostic vital
  • Grade 5: décès

L’étude a permis de mettre en évidence qu’il y avait 72,3% d’effets indésirables de grade 1 et 2 rassemblés, 26,6% relevait des effets grade 3 et seulement une effet indésirable grade 4 a été recensé.

Les effets indésirables les plus fréquents observés ont été les suivants: fatigue, nausées, douleurs musculaires et articulaires, maux de tête, vertiges, douleurs abdominales, brûlures gastriques, des hypoglycémies. Bien d’autres effets plus rares ont été signalés, comme des troubles du rythme cardiaque, des infections, une gène respiratoire….

Généralement, les effets secondaires les plus fréquents ne sont pas graves et transitoires. Mais parfois certains effets indésirables peuvent parfois survenir et avoir des conséquences plus importantes et plus graves. Cela tient compte de différents facteurs, dont entre autre, la présence de comorbidités avant le jeûne, la prise de médicaments, la préparation ou non au jeûne, la supplémentation en électrolytes ou non…. Bref, de nombreux facteurs peuvent jouer, mais si vous avez un certain nombre de pathologies et de traitements, il est tout de même recommandé d’en parler avec votre médecin avant toute tentative de jeûne pour vous exposer le moins possible à des effets indésirables et anticiper ce qui peut être anticipable.

Quand et pourquoi jeûner?

Dans quel but?

Nous pouvons jeûner pour différentes raisons:

  • Simplement parce que l’on en ressent le besoin. Lorsque nous sommes à l’écoute de notre corps, parfois, nous ressentons le besoin de faire une pause…
  • A but préventif: pratiquer le jeûne pour éviter l’apparition d’une maladie se fait de plus en plus. En effet, il permet de régénérer vos cellules, restimuler le système immunitaire, détoxifier et purifier votre organisme et avoir un effet anti-vieillissement.
  • À but thérapeutique: pour rappel, le jeûne est totalement hors cadre médicalisé en France. Ceci étant, d’une manière générale, il est parfois utilisé dans le but de traiter, notamment dans certaines maladies chroniques, comme des maladies rhumatismales inflammatoires, des cancers, dans le cadre de diabète… C’est une pratique utilisée de manière complémentaire à la prise en charge conventionnelle
  • Pour maigrir: la privation alimentaire permet d’obtenir une perte de poids. Cette dernière est représentée sur le schéma ci-dessous. Mincir et affiner sa taille font partie des principales raisons poussant à pratiquer le jeûne.
  • Dans un but spirituel et religieux: souvent pratiqué dans différentes religions, il est associé à la méditation ou la prière.
  • Et enfin, il peut-être réalisé dans un but anti-vieillissement, pour retarder ce dernier

Quelque soit le but recherché, il est important de préparer son jeûne et de mettre les choses en place progressivement pour ne pas trop agresser votre corps.

 

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Les bénéfices du jeûne

Le jeûne permet d’obtenir un certain nombre de bénéfices, qui sont observables. Ceci étant, des études de bonne qualité méthodologique sont indispensables pour confirmer ces effets de manière statistiquement significative. Cependant, afin d’augmenter la puissance des études, ces dernières doivent être randomisées et en double aveugle, ce qui est difficile à obtenir en pratique car les patients sont forcément au courant du régime qu’ils suivent.

Voici les principaux effets positifs observés après un jeûne:

  • Perte de poids: une étude a démontré une perte pondérale de 9Kg en moyenne après 2 ans de jeûne associée à une diminution de la masse grasse, une amélioration du profil lipidique et de la sensibilité à l’insuline chez des sujets de poids normal. Concernant les sujets obèses, une méta-analyse a démontré une perte de poids significative avec une diminution de la masse grasse, de l’insulinémie et du périmètre abdominal. Ces résultats étaient d’ailleurs supérieurs avec un jeûne intermittent comparativement à une restriction calorique continue, mais de manière non significative. Seul bémol dans ces protocoles, c’est l’effet négatif sur la masse maigre, qui se voit également diminuée.
  • La diète permet de modifier la sensation de faim: cette dernière disparaît progressivement, notamment l’appétence pour le sucre. Les bienfaits du jeûne permettent donc d’apporter moins de calories et d’améliorer le surpoids
  • Diminution de l’insulinorésistance et donc amélioration des résultats en terme de glycémie. C’est donc un bénéfice notable chez les personnes diabétiques. Attention bien évidemment en cas de diabète associé à des comorbidités et sous médicaments: il est primordial d’en parler à votre médecin traitant ou votre endocrinologue si vous souhaitez débuter un jeûne
  • Diminution du risque cardiovasculaire global: cela inclut une diminution de l’hypertension, une diminution du poids et de la masse grasse, une diminution de l’insulinorésistance, une amélioration du profil lipidique (diminution du mauvais cholestérol LDL, augmentation du bon cholestérol HDL, diminution des triglycérides)
  • Moindres conséquences et meilleure récupération en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) (études sur les souris)
  • Stimulation de l’activité cérébrale avec plus d’attention, de concentration et un effet positif sur la mémoire à long terme
  • Diminution possible du risque de développement de la maladie d’Alzheimer: une étude chez des souris jeûnant a montré l’absence de mutation de la protéine phosphorylée Tau. Cette dernière joue un rôle dans le développement des plaques amyloïdes au niveau de l’hippocampe.
  • Impact sur le système immunitaire et dans les processus anti-inflammatoires: les deux grandes maladies évaluées sont l’asthme bronchique et la polyarthrite rhumatoïde. Les études ont mis en évidence une diminution de marqueurs inflammatoires, une amélioration de la respiration chez les asthmatiques, diminution des douleurs articulaires ainsi que de la raideur matinale. Le jeûne peut être un complément utile dans la gestion de maladies inflammatoires. De plus, une étude a été réalisée chez des souris atteintes de SEP (Sclérose En Plaques) avec des résultats extrêmement prometteurs.
  • Diminution du vieillissement cellulaire avec stimulation du phénomène biologique d’autophagie. Phénomène également observé au niveau cérébral avec une régulation neuronale lors du jeûne intermittent
  • Augmentation de la longévité sur le long terme
  • Possible préservation du myocarde (muscle du coeur) aux lésions d’ischémie
  • Dans le domaine de la cancérologie: aucune étude n’a été faite en prévention primaire, c’est-à-dire avant que la maladie cancéreuse ne se développe pour la première fois. Par contre le jeûne intermittent a été étudié dans quelques études en terme d’impact dans l’efficacité et la tolérance des traitements chez les patients cancéreux. Les résultats ne sont pas toujours très probants et des études complémentaires sont clairement nécessaires pour identifier et confirmer un impact significatif du jeûne intermittent dans la pathologie cancéreuse. Ceci étant, on connait déjà de nombreux mécanismes au niveau biologique et biochimiques: entre autre l’autophagie, permettant l’élimination des métabolites et radicaux libres produits par la chimiothérapie. Il n’est pour l’instant pas évident de mettre les études en place pour démontrer les bénéfices cliniques en cas de cancer. Une autre question qui se pose chez les patients cancéreux est le risque de dénutrition en cas d’altération de l’état général importante avec perte de poids déjà présente. Dans certains cas, le jeûne n’est pas recommandé.
  • Le jeûne permet également d’éliminer les toxines et donc de purifier l’organisme. Les bénéfices sont maintenus à moyen et long terme si la reprise alimentaire est correcte après, en terme quantitatif et qualitatif. Reprendre de bonnes habitudes alimentaires a posteriori est important pour apporter tous les nutriments nécessaires à votre corps.

 

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Contre-indications et mises en garde

Contre-indications

La pratique du jeûne pour des personnes en bonne santé est peu risquée. Pour des personnes ayant des pathologies connues avec des traitements, il est recommandé de faire le point avec votre médecin pour éviter de vous exposer à des complications évitables que vous ne soupçonnez pas.

Voici les situations pour lesquelles le jeûne est contre-indiqué:

  • Amaigrissement très important, comme par exemple dans les cancers
  • IMC très bas (<18), comme dans l’anorexie par exemple
  • Artériosclérose cérébrale importante
  • Démence
  • Coronaropathie sévère ou troubles du rythme cardiaque
  • Diabète type I
  • Décollement de la rétine
  • Dépendances majeures avec risque de syndrome de sevrage important
  • Grossesse ou allaitement
  • Enfants
  • Hyperthyroïdie décompensée
  • Insuffisance hépatique
  • Insuffisance rénale
  • Anémie sévère
  • Porphyrie
  • Ulcère de l’estomac ou duodénum aigu
  • Myopathies
  • Déficit en acyl-CoA déshydrogénase à chaîne moyenne ou autre maladie congénitale métabolique
  • Carence aiguë en minéraux
  • Trouble psychique ou comportemental sous traitement chimique
  • Toute maladie ayant un traitement médical lourd
  • Toute maladie contagieuse

Il existe des contre-indications relatives dans certains cas, avec un suivi médical important lors du jeûne:

  • Maladies tumorales
  • Scléroses en plaques
  • Dépendances légère et modérée
  • Toute maladie avec un traitement médical (maladie cardiaque, digestive, épilepsie, greffe d’organe….)
  • Chirurgie récente ou prévue

De nombreux médicaments peuvent poser soucis lors d’un jeûne, comme par exemple: les anti-diabétiques, anti-hypertenseurs, anti-épileptiques, les psychotropes, corticoïdes, anticoagulant… (Cette liste est non exhaustive)

Mises en garde

Il est important de vous engager avec des personnes de confiance lorsque vous allez faire votre jeûne et d’avoir tout validé avec votre médecin auparavant en cas de soucis médical. L’essor grandissant de cette pratique a fait voir le jour à de nombreuses propositions de séjours d’une semaine (jeûne et marche….), parfois très onéreuses, ouvrant la notion de commerce de la santé. Outre l’aspect médical, la connotation spirituelle et religieuse qui lui est associée, pose la question d’une crainte par rapport aux dérives d’ordre sectaire. En effet, n’ayant aucun encadrement médical, toutes les pratiques sont possibles, ce qui peut parfois laisser place à quelques surprises.

En effet, dans son rapport de 2017, la MIVILUDES a fait état de 2300 signalements de dérives sectaires dans ce contexte de retraite avec jeûne.

La vigilance est donc de rigueur dans cette optique. Cela n’enlève en rien tous les avantages du jeûne et n’empêche pas de le faire, bien au contraire! Mais étant hors cadre médicalisé, votre propre responsabilité est engagée, donc il est vivement conseillé de bien se renseigner tant sur le plan médical que social, humain et financier.

Quel jeûne choisir?

Choisissez le jeûne qui vous correspond le mieux et avec lequel vous vous sentez le mieux. Il est important dans tous les cas de réaliser cela progressivement pour ne pas être trop agressif avec votre corps, pour qu’il puisse s’habituer au changement progressivement. Mêmes recommandations en cas de traitement pour adapter au besoin avec votre médecin.

Remettez-vous en à votre bon sens, tous les protocoles ne sont pas adaptés à chacun d’entre nous. Écoutez vos besoins et adaptez les protocoles à votre corps et votre situation: c’est important d’avoir un protocole de jeûne personnalisé.

Vous pouvez commencer par un jour de jeûne par semaine par exemple si vous arrivez à tenir la sensation de faim. Sinon, vous pouvez pratiquer le jeûne intermittent en augmentant progressivement les temps de jeûne: d’abord 12h pendant plusieurs jours, puis 13h, puis 14h, etc…

D’une manière générale, il est recommandé d’être accompagné lors de votre premier jeûne, non seulement pour surveiller au niveau clinique que tout aille bien, mais aussi sur le plan psychique pour ne pas être seul.

Conclusion

Au vu de tout cela, il apparaît que le jeûne a une balance bénéfices/risques positive et d’autant plus si l’on est en prévention primaire, qu’il est bien préparé et que l’on est en bonne santé. Compte tenu de la présence d’effets indésirables possibles surtout si vous avez des pathologies ou des médicaments, il est vivement recommandé de prendre l’avis de votre médecin traitant ou spécialiste, afin de faire le point pour éviter toute complication évitable. Le jeûne intermittent semble être celui qui allie les meilleurs compromis pour notre santé, tout en sachant qu’il peut être personnalisable, progressif et adaptable.

Bibliographie

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02861193/document

https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2018/revue-medicale-suisse-609/le-jeune-dans-la-sante-et-pendant-la-maladie

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche_jeune.pdf