Les antibiotiques jouent un rôle crucial dans la médecine humaine et vétérinaire, étant la classe thérapeutique la plus prescrite, en particulier pour les enfants. Bien que leur utilisation ait permis de réduire les infections bactériennes depuis les années 1940, elle a également conduit à des phénomènes de résistance, entraînant des impasses thérapeutiques pour les patients hospitalisés. L’antibiorésistance, considérée comme une « pandémie silencieuse » par l’OMS, est une menace majeure pour l’humanité, entraînant une augmentation de la mortalité, notamment en Europe où les infections résistantes causent environ 33 000 décès par an. Dans le cadre de ses actions de promotion du bon usage des antibiotiques, l’ANSM, en lien avec EPI-PHARE, publie aujourd’hui la 7e édition de son rapport sur l’évolution de leur consommation entre 2000 et 2020, en médecine de ville comme à l’hôpital.
Table des matières
Les enjeux de l’antibiorésistance
Les enjeux liés au développement de l’antibiorésistance en France et à l’échelle mondiale sont variés et complexes. Ils se manifestent à travers plusieurs facteurs :
- L’augmentation des taux de résistance parmi les bactéries pathogènes pour l’homme et les animaux
- La diminution des options thérapeutiques dues à un manque de recherche et de développement de nouveaux produits par l’industrie
- La surutilisation d’antibiotiques
- La limitation de l’accès aux diagnostics précis pour mieux orienter les traitements
- L’application insuffisante des mesures préventives, que ce soit pour la maîtrise de la transmission des bactéries ou la vaccination
La diffusion de bactéries résistantes et de gènes de résistance impacte tous les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que l’environnement. Pour contrôler cette expansion de l’antibiorésistance et préserver les avantages des antibiotiques, une approche intersectorielle et interministérielle est nécessaire, en ligne avec l’approche « One Health » recommandée par l’OMS et l’OIE. Cette approche nécessite une coordination étroite avec les instances internationales prioritaires telles que l’Union européenne, le G7, le G20, l’OMS et l’OIE.
Résultats du rapport de la consommation d’antibiotiques en France
Même si la France reste parmi les plus gros consommateurs d’antibiotiques, voici les principales observations rétrospectives du rapport:
Entre 2000 et 2019, l’évolution de la consommation antibiotique s’est faite en 3 temps :
- 2000-2004 : Réduction importante de 22%
- 2005-2016 : Stabilisation (la consommation variant au maximum de ± 7% d’une année à l’autre)
- 2016-2019 : Amorce d’une nouvelle baisse : – 8,5%.
A été observé en 2020, consommation atypique, dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie Covid-19 une baisse considérable de la consommation des antibiotiques
- – 19% entre 2019 et 2020, soit autant que la baisse enregistrée sur la période 2000 – 2019 (- 20%)
- Une réduction portée par une baisse des antibiotiques les plus utilisés en ville, comme à l’hôpital : Amoxicilline : – 30% en ville et – 16% à l’hôpital / Amoxicilline-acide clavulanique : – 15% en ville et – 20% à l’hôpital
Propositions pour limiter la prescription d’antibiotique et l’antibiorésistance
Voici les propositions faites au Comité Interministérielle pour la Santé (CIS):
- Établir un programme de communication intersectorielle durable sur l’antibiorésistance pour changer durablement la perception des antibiotiques
- Encourager les prescripteurs à une prescription plus judicieuse d’antibiotiques, en fournissant des outils et des moyens de diagnostic appropriés en santé humaine et animale
- Coordonner la recherche et soutenir un plan national de recherche intersectoriel axé sur neuf priorités, y compris l’analyse de l’impact de la résistance bactérienne dans l’environnement
- Créer un domaine de valorisation stratégique dédié à l’innovation en antibiothérapie et alternatives aux antibiotiques, au sein d’un consortium de valorisation thématique
- Établir un comité technique de l’antibiorésistance pour évaluer et soutenir le développement de nouvelles technologies et produits liés à la maîtrise de l’antibiorésistance
- Renforcer l’organisation de la surveillance, l’utilisation des données de consommation et de résistance, et la production d’indicateurs communs
- Coordonner les plans existants dans une perspective « One Health » en cohérence avec les initiatives internationales
- Informer et sensibiliser le grand public à tout ça
Conclusion
Au cours des deux dernières décennies, l’ANSM, avec le soutien d’EPI-PHARE, joue un rôle central dans cette lutte contre l’antibiorésistance en évaluant les antibiotiques, en surveillant les effets indésirables et en élaborant des recommandations. La consommation d’antibiotiques en France a légèrement diminué depuis 2016, mais demeure parmi les plus élevées en Europe. Les efforts pour promouvoir un usage approprié des antibiotiques doivent continuer, car l’antibiorésistance reste une préoccupation majeure pour la santé publique.