Qu’est-ce que le Mal Perforant Plantaire chez la Personne Diabétique?

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Le diabète (trop de sucre dans le sang) est une maladie chronique de plus en plus connue et qui touche en France presque 5 millions de personnes. Parmi elles, un certain nombre s’ignorent diabétique. Il est indispensable aujourd’hui de mettre en place et de bénéficier d’un dépistage de cette maladie, d’un suivi et d’une prise en charge préventive afin d’éviter son apparition, ou de la retarder au maximum. Le diabète présente différents types de complications, dont parfois le mal perforant plantaire (MPP). Il s’agit d’une plaie sous le pied d’une personne diabétique résultant de plusieurs facteurs et qui nécessitera une prise en charge multidisciplinaire afin d’en venir à bout. Voyons cela de plus près.

Qu’est ce que le Mal Perforant Plantaire?

Définition du Mal Perforant Plantaire

Il s’agit donc d’une petite plaie qui se fait progressivement sous le pied d’une personne diabétique. Cette petite plaie résulte d’une cascade d’éléments qui ont conduit à cette plaie. En effet, le patient diabétique présente une mauvaise circulation artérielle, qui limite l’oxygénation des tissus aux extrémités. Il présente également une atteinte des nerfs responsables de la douleur et de la sensibilité, donc le personne diabétique peut avoir une plaie sous son pied sans la ressentir. C’est un des facteurs qui retarde le diagnostic et la prise en charge, car si personne ne regarde sous les pieds, cette petite plaie va traîner, s’infecter, s’aggraver et se compliquer pour aller jusqu’à l’amputation. Le mal perforant plantaire constitue la première cause d’amputation en France.

15% des personnes diabétiques développeront un mal perforant plantaire, et parmi ces personnes, 15% d’entre elles auront une amputation.

Facteurs favorisants

Plusieurs facteurs favorisent la survenue d’un mal perforant plantaire. Voici les principaux:

  • Une mauvaise circulation artérielle: en effet, le diabète fait partie des facteurs de risque cardio-vasculaire et la circulation du sang dans les artères devient de plus en plus difficile et donc les extrémités (pied et orteils) sont moins bien vascularisés et oxygénés.C’est l’artériopathie diabétique. Ce qui en fait des zones fragiles car la cicatrisation se fera moins rapidement, ce qui augmente le risque d’infection.
  • L’atteinte des nerfs: la neuropathie diabétique est une des complications chroniques du diabète. Les personnes diabétique ressentent de moins en moins dans la partie inférieure des jambes. Il y a une diminution de la sensibilité douloureuse.  Donc une petite plaie sous un pied peut passée inaperçue pendant des semaines… C’est la raison pour laquelle IL EST INTERDIT DE MARCHER PIEDS-NUS POUR UNE PERSONNE DIABETIQUE!!
  • Une plus grande sensibilité aux infections: la personne diabétique est plus fragile avec une moindre défense au niveau immunitaire. Il s’en suit donc des infections plus faciles…
  • Les déformations osseuses: avec l’âge il existe un certain nombre de déformations au niveau des pieds, qui créent des contraintes et modifient les points d’appuis, qui représentent des zones fragiles et plus à risque de développer une mal perforant plantaire
  • Hyperpression plantaire: certaines zones au niveau des pied deviennent plus fragiles. En effet, à cause de déformations osseuses, ces zones reçoivent une pression plus importante lors de la marche. Ces points d’appuis hypersollicités vont développer des lésions (hyperkératose, callosités, fissurations, ulcération…), qui seront moins bien vascularisés et une porte d’entrée aux infections.

Les différents stades du Mal Perforant Plantaire

Voici les différentes étapes de la création d’un mal perforant plantaire. Dans le contexte d’artériopathie diabétique, de neuropathie diabétique, de déformations osseuses et d’hyperpression sur des zones d’appuis fragiles, se développe le mal perforant plantaire.

 

Il fait souvent suite à un traumatisme passé inaperçu par la personne diabétique, comme par exemple: un conflit répétitif dans la chaussure, une petite blessure lors de la coupe des ongles ou créée par un ongle mal coupé adjacent, un ongle incarné, une surinfection d’une mycose, une fissure sur une hyperkératose qui se creuse, un durillon ou une callosité aux points de pression, un traumatisme ou une brûlure.

Suite à ce traumatisme, se développe:

  • une lésion sous la peau avec une petite sérosité inflammatoire sous la peau, qui aboutit à
  • L’ouverture de la peau: cette petite plaie ouverte va avoir su mal à se cicatriser et représente une porte d’entrée infectieuse important dans ce contexte de diabète. C’est le mal perforant plantaire (MPP)
  • Ce MPP va s’aggraver avec l’infection qui va se propager à l’os adjacent: c’est l’ostéite.
  • Et enfin l’infection peut se propager au-delà pour atteindre in fine la circulation sanguine et aller se localiser ailleurs (par exemple une spondylodiscite: atteinte infectieuse d’une vertèbre lorsque la bactérie est passée par la circulation suite à une porte d’entrée)

 

 

Le mal perforant plantaire est une complications difficile à traiter car la personne diabétique se fait mal sans avoir mal.

Plusieurs problèmes se présentent:

  • Une sous-estimation du problème
  • Un retard diagnostique
  • Un traitement pas toujours facile. Car non seulement il dépend du stade de découverte, mais il dépend aussi de beaucoup d’intervenants, car il faut gérer tous les aspects de cette maladie. Il y aura donc le médecin traitant, le podologue, l’angiologue, l’endocrinologue, l’infectiologiste, le chirurgien vasculaire, le chirurgien orthopédiste…. Bon nombre de professionnels de la santé sont mis sur le coup pour prendre en charge une même pathologie. Et bien évidemment le patient diabétique est au centre de tout cela et a un grand rôle à jouer dans sa prise en charge.

Les grades du pied diabétique

Suite à un bilan effectué par votre médecin-traitant ou par un podologue-pedicure (bilan podologique), vous pouvez vous situer parmi l’un des 4 grades du pied diabétique:

  • Grade 0: pas de neuropathie diabétique
  • Grade 1: neuropathie diabétique isolée
  • Grade 2: neuropathie diabétique associée à une atteinte artérielle et/ou des déformations osseuses
  • Grade 3: Antécédent d’ulcération du pied et/ou d’amputation

L’assurance maladie commence à prendre en charge cette complication à partir du grade 2. La prise en charge consiste en un certain nombre de séances de soins par un podologue sur prescription médicale.

  • 4 séances de soins des pieds par un podologue dans l’année pour le grade 2
  • 6 séances de soins des pieds dans l’année pour le grade 3

Comment traiter le mal perforant plantaire?

Il s’agit donc d’une prise en charge multidisciplinaire qui inclut un grand nombre de professions de la santé différent. Cette prise en charge multidisciplinaire a montré une augmentation du taux de survie, une réduction des ulcérations et une diminution des amputations. La prise en charge nécessitera un examen clinique avec une évaluation médicale dans un premier temps (plaie et complications ailleurs, comme la recherche d’une ostéomyélite par exemple) puis une prise en charge qui dépendra du stade du mal perforant plantaire. Dans tous les cas, une infirmière s’occupera de la plaie quotidiennement, ce qui permettra une évaluation au jour le jour pour observer l’évolution.

La prise en charge sera:

  • Locale: la plaie sera soignée par des pansements locaux
  • Générale: le diabète devra être pris en charge dans sa globalité, afin d’équilibrer au mieux le diabète (médecin traitant et endocrinologue). L’évaluation artérielle devra être faite (pouls) et traitée par un angiologue, l’infectiologue évaluera l’indication d’antibiothérapie et le choix de cette dernière. Et le chirurgien orthopédiste interviendra en dernier recours en cas de traitement chirurgical nécessaire. L’objectif est d’apporter au niveau de la plaie en plus des traitements locaux, tous les nutriments nécessaires à la bonne cicatrisation, l’oxygène et les antibiotiques.

Le traitement local

Ce traitement local au niveau de la plaie et du pied se fera soit en ambulatoire, c’est-à-dire à la maison, soit en hospitalier si la prise en charge au domicile du patient est impossible.

Il consiste en:

  • Une mise en décharge totale du pied: c’est-à-dire que le patient ne doit plus appuyer sur son pied jusqu’à cicatrisation. C’est une phase qui sera longue, raison pour laquelle il faut s’équiper de chaussures orthopédiques adaptées. Ces dernières permettent d’éviter un appui soit sur le devant du pied, soit sur le talon en fonction de la localisation de la plaie.

 

  • Des pansements locaux réalisés par une infirmière. Ils incluent:
  1. Un nettoyage de la plaie au serum physiologique
  2. Une ablation des tissus nécrotiques (noirs) et fibrineux: c’est la détersion. Elle peut se faire de manière mécanique à l’aide d’une curette ou d’un bistouri. Ou alors, elle peut se faire de manière chimique à l’aide de pansements spécifiques. L’hyperkératose sera également traitée et surveillée, car elle peut cacher ne petite plaie débutante en-dessous.
  3. Mise en place d’un pansement spécifique par dessus la plaie, qui dépendra du type de plaie. Selon si votre plaie sera infectée, nécrotique, fibrineuse, hémorragique ou bourgeonnante, le pansement sera différent.
  4. Hydrater le pied à l’aide d’une crème hydratante

Ce traitement local est efficace s’il est mis en place rapidement et de manière totale et permanente. La guérison est bien évidemment possible si tout le protocole est bien respecté et que le traitement local est associé au traitement général. N’oubliez pas de vérifier que vous êtes bien à jour au niveau des vaccins du tétanos!

Le traitement général

Il va consister à gérer tous les différents aspects du diabète avec la prise de traitement adaptés en fonction.

  • L’antibiothérapie

Elle sera mise en place après une évaluation médicale et des examens complémentaires (prélèvements bactériologiques profonds, prise de sang ou encore biopsie osseuse en cas d’ostéite si l’infection a atteint l’os) qui permettront d’identifier la bactérie et connaitre les antibiotiques efficaces sur cette dernière.

Ce sont des médicaments à prendre par la bouche, rarement en intra-veineux.

  • Le traitement du diabète

Ce dernier doit être le plus équilibré possible. Il repose d’une part sur les règles hygiénodiététiques en privilégiant les bons aliments et en éliminant les aliments à index glycémiques élevés. Et d’autres part sur les traitements adaptés, comme les biguanides, les sulfamides hypoglycémiants et l’insuline.

  • Le traitement des facteurs de risque cardiovasculaire

Il est indispensable de traiter les autres facteurs de risques cardiovasculaires associés au diabète, à savoir: alléger son poids pour lutter contre le surpoids, traiter l’hypercholesterolémie (statines) pour éviter les plaques d’athérome au niveau des artères, ce qui améliorera la circulation artérielle et donc l’oxygénation des tissus. Mais aussi, sevrer le tabagisme et traiter l’hypertension artérielle.

  • Mise en place d’un traitement anticoagulant

Lorsque le pied est en décharge, l’appui est donc contre-indiqué directement sur la plaie. Si la personne de marche pas du tout, un traitement sera mis en place pour éviter de faire un caillot sanguin, ce que l’on appelle une phlébite ou thrombose veineuse.

  • Traiter la douleur

Bien évidemment, en cas de douleur, des traitements antalgiques sont prescrits

  • Revascularisation

Si la vascularisation artérielle ne de fait pas, il est indiqué de revasculariser, c’est-à-dire de rétablir la circulation correctement afin d’avoir le maximum d’oxygénation des tissus, ce qui favorisera la cicatrisation. Cela est fait par un chirurgien vasculaire.

  • Traitement orthopédique

Le chirurgien orthopédique sera amené à intervenir si la plaie nécessite un débridement chirurgical ou si une amputation est nécessaire.

Comment prévenir le mal perforant plantaire?

La prévention c’est tout ce qui peut être fait avant que cela ne se déclare. C’est donc grâce à une évaluation régulière par le médecin, l’infirmière, le podologue et le patient lui même que cela est possible. Chacun a son rôle à jouer, et en premier lieu les patients diabétiques.

 

 

  • Éviter de marcher pieds-nus: c’est une contre-indication absolue lorsque l’on est diabétique
  • Vérifier la vaccination du tétanos
  • Bien équilibrer le diabète. La personne diabétique a un rôle primordial dans ce domaine car cela dépend de son mode de vie et pas seulement des traitements.
  • Traiter les facteurs de risques cardiovasculaires associés: hypertension, hypercholestérolemie, surpoids, tabagisme
  • Surveiller les pieds à chaque consultation et prendre en charge les déformations et les hyperkeratoses avec un recours au podologue
  • Avoir des chaussures adaptées, qui ne serrent pas trop, sans microtraumatismes, ni frottement…
  • Aérer ses pieds régulièrement pour éviter des mycoses
  • Couper ses ongles délicatement et pas trop court pour éviter les panaris. Limer afin d’éviter des petites plaies sur les orteils adjacents
  • Rechercher la perte de sensibilité au niveau des jambes. Cela est fait par votre médecin traitant lors d’une consultation de suivi avec un monofilament.
  • Évaluer la vascularisation des jambes: cela est également fait par votre médecin traitant et parfois un doppler artériel peut être nécessaire
  • Regarder les pieds tous les jours lors de votre toilette
  • Bien hydrater votre peau avec une crème émolliente (comme le Dexeryl par exemple) quotidiennement
  • Education du patient diabétique grâce à des séances d’ETP (Education thérapeutique du Patient) pour bien connaître sa maladie et les risques liés à cette dernière

Conclusion

Vous l’aurez compris, mieux vaut ne pas avoir une petite plaie sous le pied. Alors si vous êtes diabétique, informez-vous sur votre maladie, demander à votre médecin traitant des informations, rapprochez-vous d’associations pour mieux comprendre et agir pour éviter d’avoir le maximum de complications liées à cette pathologie.

Sources:

  1. https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974165/en/diabete-podologie-la-prevention-recommandee-des-le-grade-1
  2. http://spiralconnect.univ-lyon1.fr/spiral-files/download?mode=inline&data=2968981
  3. https://www.revmed.ch/RMS/2011/RMS-292/Traitement-du-pied-diabetique-infecte-une-approche-multidisciplinaire-par-excellence